Mon petit bonhomme… Quand tu es sorti de l’école mardi dernier, tu m’as parlé de la guerre 14-18, des Poilus, des tranchées. En cette veille de l’Armistice, vous aviez visionné avec ta classe un film sur la Première Guerre Mondiale et ça t’a beaucoup intéressé. L’assassinat du Duc Ferdinand s’est transformé en «Ils ont tué un Prince du Sahara» mais à part ce petit anachronisme tu as bien retenu et compris ce qu’était la Guerre de 14-18. L’enfer que vivaient les soldats dans les tranchées, les uniformes bleus et rouges trop voyants et la date du 11 novembre qui est maintenant un jour férié pour célébrer la fin de la guerre. Tu m’as même parlé de la condition de la femme à cette époque et ton magnifique «Tu te rends compte Maman les femmes elles ne pouvaient pas voter !» m’a rendue bien fière de toi. Ce mardi soir, veille de l’Armistice je t’ai trouvé un peu plus grand que le matin, quand je t’avais laissé au portail de l’école. Et c’est convaincue et sure de moi que je t’ai dit que c’était très loin tout ça et que non il n’y avait pas la guerre en France, depuis bien longtemps maintenant.
Mon petit garçon… Quand tu es sorti de l’école vendredi soir, tu m’as dit que tu aurais bien aimé aller au stade avec tes copains d’école pour regarder France-Allemagne. Je t’ai répondu que tu aurais le droit de regarder le match vu qu’il n’y avait pas d’école demain. Et je t’ai dit ensuite que les matchs de foot au stade, avec ton papa on aimait bien t’y emmener quand il fait beau, au printemps ou en été. Et quand tu t’es endormi à la 37e minute de jeu, tu n’as pas vu le but de Giroud, ton Giroud adoré et tu as fermé les yeux sur ce qui allait devenir une abominable soirée. Ton papa t’a mis au lit et quand il est revenu, je découvrais l’horreur sur Twitter et nous n’avons pas réussi à détacher nos yeux de ce qui arrivait avant tard dans la nuit. J’ai vérifié plusieurs fois si la porte de ta chambre était bien fermée pour être sure que tu n’entendes rien de ce qui arrivait. Tu es entré au CP, l’école élémentaire, la cour de récré et les grands de 10-11 ans, tout a très vite tourné dans nos têtes et nous savions qu’il faudrait t’en parler. Mais pas demain, pas samedi. Je me suis dit que tu allais encore devoir grandir un peu plus vite, abandonner une petite part de l’innocence qui doit demeurer dans le coeur et les yeux des enfants bien au delà de six ans.
Mon bonhomme… Quand tu as entendu Papa parler avec un ami de la veille, tu as demandé ce qui était arrivé pendant le match. Nous avons détourné la conversation pour ne parler que de la victoire des Bleus. Difficile de te cacher notre effroi et notre peine pendant ces deux jours et c’est finalement le dimanche que tu as appris l’existence de ces actes terribles. Il fallait te préparer, vous alliez faire la minute de silence et en entendre parler à droite à gauche. Je travaillais donc c’est ton courageux Papa qui s’en est chargé. En te disant que des méchants avaient tué beaucoup de gentils mais qu’il ne fallait pas avoir peur parce qu’ils étaient morts. Que la police nous protégeait et qu’à la maison et à l’école tu étais en sécurité. Des mots simples que tu as compris mais qui en aucun cas ne devraient faire partie des histoires qu’on raconte à un petit garçon de 6 ans. Pour ton histoire du soir nous avons lu un livre où un petit lion peut tout faire et c’était agréable d’entendre ces mots-là avant que tu t’endormes.
Mon garçon… Quand tu t’es levé lundi matin, tu n’avais fait aucun cauchemar. Tu as mis un temps fou à mettre tes chaussons, comme tous les matins. Tu m’as demandé ce qu’il y aurait à manger à la cantine alors nous avons lu le menu, comme tous les matins. Ta soeur et ton frère ont commencé à t’embêter et tu as râlé, comme les Français tous les matins. Puis, entre deux cuillères de céréales, tu nous as demandé «Mais le Père Noël, il existe vraiment ? Dites moi la vérité !»
Toutes ces vérités en quelques jours… Comme si tu avais d’un seul coup franchi une ligne invisible. Tu n’es plus un petit garçon, tu es mon Grand…