Il aura fallu attendre deux ans, cinq mois et vingt-cinq jour pour que nos petits jumeaux passent une journée entière l’un sans l’autre. Une longue journée, neuf heures environ sans la présence de l’autre. Le mercredi c’est crèche pour eux. Le mercredi c’est un peu notre journée à nous du coup.
Ce mercredi, nous sommes sortis avec la poussette simple (c’est super léger une poussette simple, j’avais oublié !). Nous n’avons bipé qu’un seul bagde à l’entrée de la crèche. Mercredi quand j’ai quitté la crèche le matin je n’ai embrassé qu’un seul enfant.
Isaq avait eu de la fièvre la nuit précédente, et il n’était pas très en forme le matin. Il n’avait pas d’appétit, toussait un peu et avait la voix rauque. Nous avons donc décidé de le garder avec nous pendant que sa soeur irait à la crèche. Nous nous sommes demandés ce qui allait arriver. Comme si ça allait bousculer l’équilibre du monde entier. Et finalement, comme très souvent, il n’y a que nous qui avons cogité là dessus. Les enfants ont dit au revoir à leur grand frère quand il est parti à l’école, comme tous les matins. Ils se sont débarbouillés puis habillés, comme tous les matins. Mais seule Amel a mis ses chaussures et son manteau. Elle fait ça toute seule maintenant. Nous leur avons expliqué ce qui allait se passer et ils ont très vite assimilé les choses. Ils se sont fait un câlin, se sont dit au revoir et voila. S’en était terminé pour cette séparation, pour laquelle, il faut bien l’avouer, je me faisais tout un monde.
C’est drôlement facile de ne s’occuper que d’un enfant quand on est habitué à cravacher pour en gérer deux. Deux enfants qui s’en donnent à coeur joie pour ne pas nous faciliter la tâche au quotidien. Alors que d’habitude nous mettons plus de cinq minutes à les faire monter dans la poussette, Amel s’est installée toute seule et n’a pas râlé une seule fois sur le chemin. Notre trajet s’est transformé en échange très convivial, nous avons discuté des chiens croisés sur le chemin, des passages piétons où il ne faut pas traverser si le bonhomme est rouge. J’ai eu droit à des « Maman, t’aime » et des sourires. Arrivée à la crèche, elle n’est pas allée se cacher dans une autre section. Elle n’a pas vidé le bac de surchaussures. Elle a mis ses chaussons et m’a demandé presque poliment de lui lire le menu du jour, #LesPriorités ! Arrivée dans sa section, elle est allée jouer en arrivant, a expliqué que son frère avait chaud au front et a à peine chouiné quand je suis partie. Incroyable !
Isaq, de son côté, passait la matinée avec son papa chez le docteur. Visite inutile, vous comprenez, il n’a pas de symptômes, il faut attendre 48 heures de fièvre, il faudra revenir, la fièvre c’est le corps qui se défend et blablabla. Il a eu 39° de fièvre, il n’avait rien mangé depuis la veille au soir, il avait la voix cassée et toussait. Ça nous semblait assez important pour ne pas le laisser aller à la crèche et pour une visite chez le docteur également. Au moins on savait ce que ce n’était pas : une laryngite. Bref, à leur retour nous sommes allés chercher Adil à l’école. Isaq, qui d’habitude ne donne pas la main quand il est dans la rue demandait à tenir Papa et Maman par la main. Il a attendu son grand frère tout fièrement et très sagement devant l’école. Nous avons déjeuné dans le calme et personne n’a jeté de nourriture sur qui que ce soit. Notre petit bonhomme a retrouvé l’appétit et une fois son dessert terminé a demandé de lui même si si je vous assure à aller au lit. Il s’est endormi en deux minutes et a fait une sieste de trois heures. À son réveil, il a bénéficié de notre clémence fatigue et a pu jouer un peu avec le téléphone. Il en a profité pour se prendre en photo et saturer la capacité de la mémoire paternelle. Il avait retrouvé la pêche, a pris un bon goûter et s’est ensuite amusé avec son frère. Enfin, il s’est amusé à embêter son frère.
Après avoir vu le comportement d’Isaq sans son binôme, j’attendais le retour à la crèche avec impatience pour connaître celui de sa soeur. Les transmissions de la crèche allaient nous apprendre qu’elle avait passé une journée tout à fait normale. Bien mangé, peu dormi, un pipi sur les toilettes. Elle a bien joué, a écouté de la musique et dansé. Et à aucun moment elle n’a parlé de son frère. Comme Isaq a la maison qui n’a pas demandé où était sa soeur une seule fois. Nos explications du matin ont semble t-il été suffisantes. Ils ont assimilé rapidement qu’ils allaient passer la journée l’un sans l’autre et ne se sont pas formalisés.
Nous nous posons quand même quelques questions sur leur séparation ou non à la rentrée en maternelle, même si dans l’école où ils vont les jumeaux sont automatiquement mis dans des classes différentes. Dans nos têtes c’est plutôt clair, ils sont bien ensemble, ils sont bien l’un sans l’autre également. Pour un petit moment j’entends. Il est déjà arrivé que l’un reste à la maison pendant que l’autre allait chez le docteur. Cette journée nous a montré qu’ils étaient prêts, qu’ils savaient s’en sortir l’un sans l’autre, pour quelques heures. Je trouve que ça a fait ressortir leur personnalité propre Sans l’énervement ou excitation que la présence de l’autre entraîne , parfois, souvent. C’était une journée originale du point de vue de la nouveauté, intéressante du point de vue du résultat. J’aime leur personnalité, seuls ou ensemble, ils se ressemblent tous les trois et se complètent par leurs différences.