Bien sûr, toute grossesse représente un espoir, tous les parents qui se lancent dans l’aventure attendent une vie nouvelle avec ce bébé qui s’annonce.
Pour les parents qui ont vécu la perte d’un bébé, la grossesse qui suit le décès est un moment rempli d’émotions, de peurs, de joie et d’angoisse. Le terme «grossesse espoir», créé et utilisé par les parents endeuillés résume à lui seul tout ce qu’elle représente. L’espoir de la vie, là où la mort est passée. Cette nouvelle grossesse, qu’elle arrive rapidement ou plus longtemps après la perte d’un bébé est bien souvent plus médicalisée et plus suivie par les médecins. Le soutien psychologique proposé lors du décès du précédent bébé est quelques fois à nouveau abordé par les professionnels de santé.
Pour ma première grossesse espoir, qui est arrivée 18 mois après le décès de mon fils, les médecins ont été parfaits, je les ai trouvés très à l’écoute, très compréhensifs et disponibles à chaque instant. Comme nous n’avions pas trouvé la cause du décès d’Ilian, il n’était pas facile de prévenir tout nouveau risque. J’ai eu des contrôles plus nombreux lors du dernier mois de grossesse et l’accouchement a été déclenché au terme où nous avions perdu notre fils.
Pendant ces 8 mois et demi de grossesse, plusieurs sentiments se sont mêlés dans mon cœur et dans ma tête. Certains jours j’étais forte, sure de moi et sereine. Mon petit ange au ciel veillait. Il ne pouvait pas nous arriver deux fois le même malheur. Les médecins assuraient un suivi régulier et plus poussé. Et puis la vie nous devait bien ça, un bébé en pleine santé après ce que nous avion vécu. Tout irait bien… Mais parfois, le ciel s’assombrissait au dessus de ma tête… Et si c’était moi qui n’était pas capable de mener à bien une grossesse ? Si la vie avait choisi de nous dire que nous ne pouvions pas avoir d’enfant en vie et que nous n’avions pas compris le message ? Et pourquoi ça n’arriverait pas encore, puisque c’était arrivé déjà une fois ? Bref, ces journées où tout semblait noir étaient, fort heureusement peu nombreuses, mais quand même, dans un petit coin de ma tête, planait cette menace que tout pouvait recommencer à tout moment et ça me terrorisait…
C’est au moment où ces journées se faisaient un peu récurrentes que j’ai décidé d’aller discuter à nouveau avec la psy de la maternité. Je l’avais déjà vue juste après l’annonce du décès d’Ilian, puis après l’accouchement, et enfin quelques semaines après… Elle m’avait expliqué les phases de deuil, vérifié si une aide médicamenteuse était nécessaire et dit qu’elle était disponible pour parler dès que j’en aurais besoin. Pour cette nouvelle entrevue, j’avais juste besoin de l’entendre me dire, avec ses mots de professionnelle que ce que je ressentais était normal. J’étais confiante mais j’avais peur. J’étais heureuse et triste en même temps. Je pensais à mon fils au ciel et à mon autre fils à venir. Je me sentais capable de les aimer autant l’un comme l’autre. Toutes ces choses que je n’imaginais pas possible avant d’être enceinte à nouveau. La seule chose que je n’arrivais pas à contrôler, c’était les superstitions qui guidaient à présents mes faits et gestes. Et là dessus, elle m’a rassurée. La veille de perdre Ilian, nous étions allés voter. Une nouvelle élection était prévue et j’angoissais à l’idée de me retrouver à nouveau dans un isoloir avec mon ventre rond. Le jour du décès d’Ilian nous avions regardé un épisode de Grey’s Anatomy où une femme perdait son bébé à terme. La dernière saison passait à la télé au moment même au j »étais à nouveau enceinte, impossible pour nous de regarder cette série. J’avais mangé un panini avant de perdre mon fils, je ne pouvais plus en manger… Toutes ces peurs incontrôlables étaient du domaine de l’irrationnel m’a t-elle dit. Je n’y pouvais rien, ça ne servait à rien de me forcer, il fallait que je fasse les choses comme ma tête me disait de le faire. Pareil pour ce qui était de préparer la chambre de bébé. Elle m’a rassurée en me disant qu’au début bébé avait juste besoin d’un papa et d’une maman, de bras, d’amour et de lait. Nous avons donc aménagé la chambre d’Adil à notre retour de la maternité, pas avant.
Tout ceci a fait que j’ai vécu une première grossesse espoir assez sereinement. Et le bébé qui était dans mon ventre participait aussi à la rendre sereine. Je ne me souvenais pas que son grand frère bougeait autant. C’est absence de mouvements qui m’a fait sentir qu’il y avait un problème la première fois. Pour Adil, rien de comparable, il bougeait tout le temps. Dès que j’avais un petit doute, hop il me donnait un coup de pied…
Je vis actuellement ma deuxième grossesse espoir. Elle est différente dans le sens où aujourd’hui j’attends deux bébés… Sur le plan physique elle est du coup un peu plus fatigante. Mais sur le plan psychologique, rien n’a changé. Les doutes sont parfois là, ils s’immiscent dans notre bonheur au détour d’une journée plus fatigante que les autres. Mais l’espoir est toujours là. Le signe que mon ange veille toujours. Et je vois aussi Adil grandir, il est la preuve vivante que le bonheur peut suivre le malheur…
Ces deux petits bébés gigotent aussi beaucoup. Et nous savons maintenant que nous attendons….