D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé manger à la cantine. Avec des parents qui travaillaient, nous sommes allées, ma sœur et moi pendant toute notre scolarité à la cantine. D’abord à l’école primaire, puis au collège. Au lycée je rentrais à la maison parce qu’il n’y avait pas de cantine dans le lycée et qu’il fallait aller dans un autre établissement.
Pas de souvenirs des repas en maternelle et quelques vagues souvenirs en élémentaires. Très peu de souvenirs de ce qu’il y avait dans nos assiettes, exceptée peut être cette entrée qui revenait souvent et que je détestais : le pamplemousse au sucre, présenté dans sa grande bassine bleue, servi à la louche dans nos verres Duralex, les même verres dans lesquels on devait boire ensuite. Ce dont je me souviens, c’est l’ambiance qui régnait dans la cantine. La course pour s’asseoir à ces tables de 8 après avoir fait semblant de s’être lavé les mains aux grands lavabos ronds avec le fameux savon jaune qui sentait pas très bon. Assis entre copains, on fredonnait la musique de la pub Club Med, tout doucement au début et on terminait en hurlant presque. Pas de souvenirs de menu ni de qui mangeait quoi, ou plutôt de qui ne mangeait pas quoi. On se moquait bien de tout ça, on n’avait qu’une envie, c’était de terminer nos déjeuners pour enfin aller jouer au volley-ball sous les platanes en attendant que la classe reprenne.
Au collège, j’ai plus de souvenirs. Repas pris au self tous les jours de la semaine sauf le mercredi. Les sardines à l’huile en entrée, le gigot d’agneau-flageolet en plat et les pommes au four. Voici les plats que je n’aimais pas à l’époque. Je me rappelle que quand il y avait du porc, on proposait des steaks hachés ou du poisson à ceux qui n’en mangeaient pas. Au final tout le monde avait un repas complet, et personne ne se posait de questions.
Le débat actuel sur les «menus de substitution» me met en colère et m’attriste. Pourquoi ne pas se contenter de la chance que nous avons dans notre pays de pouvoir proposer à tout le monde un repas complet ? Pourquoi faut il toujours que certains politiques mettent les gens dans des cases, séparent les individus et créent des polémiques sur des sujets tellement consternants ?
Je ne mange plus de porc depuis que je fréquente mon mari, qui est musulman. De ce fait, nos enfants non plus ne mangent pas de porc. Alors oui je me sens concernée de près quand j’entends que certains maires décident de supprimer ces plats autres que le porc, proposés dans des milliers d’écoles françaises. Je me sens concernée quand je me dis que peut être demain mon fils n’aura dans son assiette que des légumes pour son repas du midi. Je me sens visée quand je l’imagine me demander «Pourquoi les autres ils peuvent manger de la viande aujourd’hui et pas moi ?»
Nous habitons dans une ville où il y a toujours des propositions de plats différents s’il y a du porc au menu. Dans toutes les collectivités, de la crèche au lycée. C’était une chose devenue presque invisible, tant on y est habitué et parce qu’on en est satisfait. J’espère que ça durera longtemps et que les extrémistes de tout bord ne changeront jamais ça.
Pourquoi ne pas laisser nos chers bambins profiter de l’insouciance de leur jeunesse et les préserver de ces débats. Au fond, eux, les premiers concernés, se moquent complètement de qui mange quoi. Ils sont tous d’accord pour dire que les épinards de la cantine sont beurk et que quand il y a des frites c’est la fête !